À l’approche de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2023, Ouest Foot Afrique a interviewé l’entraîneur Franco-congolais, Théophile Bola qui a passé 17 ans (2001-2018) en Guinée, à la tête de plusieurs clubs dont le Horoya AC, sur les chances du Syli National dans la compétition mais aussi son actualité avec Espoir FC, club de Première division togolaise dont il est l’entraîneur. Entretien.
OFA : Vous connaissez bien le football guinéen pour avoir entraîné plusieurs clubs du pays. Comment jugez-vous aujourd’hui le niveau du Syli National ?
Théophile Bola : Je dirai que le Syli National a une forme sujette à questions même si le sélectionneur Kaba Diawara a essayé de trouver du sang neuf pour étoffer son effectif. Mais comme beaucoup d’autres équipes nationales, elle dépend aussi de la mobilisation des supporters. Malheureusement aujourd’hui, les Guinéens ne sont pas à 100% mobilisés derrière leur équipe nationale. Une compétition ne se joue pas mais se gagne. Sur le plan mental, la détermination et la motivation, tous ses aspects psychologiques jouent à 70% et le football guinéen aujourd’hui est divisé. Kaba est décrié, ça ne va pas à la Fédération, chacun est dans son coin. Mais Kaba va chercher les binationaux, et c’est bien parce que ce sont des gamins qui sont nés en Europe. Mais est-ce qu’ils savent ce qu’on appelle jouer sous le drapeau ? Cette adjonction entre le sang neuf et l’ancienne équipe va réussir ou pas? Ça peut aller comme ça ne peut pas aller. Je ne suis pas à 100% sûr.
OFA : La Guinée est logée dans le groupe de la mort avec le Cameroun, le Sénégal et la Gambie. Peut-elle se qualifier pour le tour suivant ?
Théophile Bola : [Rires] Oui le Syli National peut bien se qualifier dans ce groupe que vous appelez groupe de la mort. Moi je dirais que c’est du 50/50. Vous parlerez du Cameroun, mais il n’a plus battu la Guinée depuis 2012 [victoire 2-1 en amical]. Donc la Guinée n’a pas peur du Sénégal ni du Cameroun. Il faut que la Guinée se retrouve, conjugue le même verbe pour aller battre le Sénégal et pourquoi pas le Cameroun. Je pense que le Syli National peut se qualifier dans ce groupe et connaissant les Guinéens qui peuvent tout laisser pour le supporter, il peut même être le favori du groupe.
OFA : En étant objectif, ce groupe du Syli National peut-il gagner la CAN?
Théophile Bola : Oui. L’une des équipes de ce groupe peut bien gagner la CAN. Sortir de ce groupe qui n’est pas facile donne des ailes pour aller plus loin. Je vois le Sénégal, le Cameroun aussi mais il ne faut pas sous-estimer la Guinée qui peut chercher à aller loin dans ces temps de crise pour donner de l’espoir à tout un pays, le réunifier grâce au football. Je pense que c’est un grand devoir pour le footballeur guinéen. S’ils peuvent être des ambassadeurs de la paix pour réunir les gens avec la victoire ou un titre de vice-champion, les Guinéens vont se réunir. Je ne vais pas dire non parce que je pense qu’ils finiront parmi les quatre ou cinq premiers.
OFA : La forme de Naby Keita, sélectionné pour la CAN, inquiète beaucoup de Guinéens. Pensez-vous qu’il est toujours indispensable et peut porter le Syli National sur ses épaules ?
Théophile Bola : Oui, il reste indispensable même sur le banc [Rires]. Sur le terrain, il peut apporter beaucoup dans le jeu mais surtout son leadership. Il est incontesté, peut parler aux joueurs, n’a pas de problème avec quelqu’un, c’est un pacificateur. C’est lui le Syli National aujourd’hui, tout le monde le regarde. Je pense même qu’il est là référence de cette équipe. Il est indispensable même s’il reste sur le banc.
OFA : À quel niveau vous classez Serhou Guirassy parmi les meilleurs attaquants au monde actuellement ?
Théophile Bola : Que dire encore ? Tout le monde voit les matchs. Aujourd’hui, il a su planter 17 buts en 14 matchs, ça fait plus d’un but et demi par match. Je pense qu’il est dans le Top 5 ou Top 3 des meilleurs attaquants au monde.
OFA : Kaba Diawara fait partie des anciens joueurs devenus sélectionneurs de leurs pays comme Aliou Cissé, Rigobert Song ou encore Walid Regragui. Quelle appréciation faites-vous de son travail à la tête de l’équipe nationale de Guinée ?
Théophile Bola : Tous les Guinéens l’ont accepté comme novice et je ne dirai pas aujourd’hui qu’il est en train de faire un mauvais travail. Il faut maintenant assumer ce choix en lui laissant le temps pour qu’il peaufine son travail. Il faut se donner cinq ou sept ans. Je sais que dans l’avenir, il sera un grand sélectionneur mais pendant ce temps, il ne faut pas l’insulter, à gauche et à droite. Je l’ai vu appeler Fousseni Diawara à ses côtés, ça veut dire que ça travaille. Nous, parce que je me sens Guinéen pour avoir travaillé là-bas plus de quinze ans, avons accepté Kaba Diawara et nous devons lui laisser le temps pour qu’il devienne un sélectionneur expérimenté.
OFA : Vos favoris pour cette CAN 2023
Théophile Bola : Je joue pas au loto [Rires]. Mais je choisis le Maroc en premier parce qu’il nous ont rendu fiers à la Coupe du monde en devenant la première nation africaine à atteindre les demi-finales. Ensuite, je dirais la Côte d’Ivoire parce qu’elle organise la compétition et avec l’engouement qu’il y aura, ils vont vouloir gagner. Le Sénégal aussi même si ça piétine un peu [ces derniers temps]. En quatrième position, je vois l’Algérie qui a l’occasion de reprendre la main. Sur les quatre, je vois deux équipes en finale.
OFA : Sur le plan personnel, vous avez réussi à remettre Espoir FC sur le bon chemin après un début de saison poussif, quel a été le déclic pour vous?
Théophile Bola : Ce n’est pas parce que je suis un grand entraîneur, mais c’est le côté psychologique qui m’intéresse le mieux. Nous avons essayé de booster les choses pour aller plus haut. On a mal commencé mais je sais que si le championnat continue [reprise annoncée le 10 janvier], on va bien finir. Les joueurs sont avec moi, ils me font confiance et je leur fais confiance aussi et ça avance.
OFA : Quel message aimeriez-vous adresser aux supporters qui n’ont pas été irréprochables dernièrement contre Gomido à votre absence?
Théophile Bola : Les supporters viennent avec leurs cœurs et ne veulent que la victoire ou rien. Il faut changer ce slogan. Le match a fini en queue de poisson pas à cause des acteurs. Je veux dire aux supporters de ne plus faire ça [prendre des joueurs à partie]. Gomido a marqué mais ne dominait pas, on les avait priver de la balle. Que les supporters nous fassent confiance car nous sommes là pour eux. Après tout, le foot reste un jeu que l’arbitre ait bien vu une action ou pas, nous ne sommes pas dans ces appréciations. Les arbitres sont des humains et on doit l’accepter. Il faut qu’ils [les supporters] fassent attention et doivent s’attendre à une sanction de public ou stade, je ne sais pas trop. Je n’ai pas aimé leur attitude parce qu’on pouvait aller chercher la victoire. Je demande pardon à tous nos supporters et qu’ils restent dans un esprit sportif qui supporte tout.
OFA : Votre mot de la fin
Théophile Bola : Vive le football togolais. Je veux qu’il changé d’indice pour qu’on ai quatre équipes sur le continent au lieu de deux actuellement. Il faut que nos champions aillent loin dans les compétitions continentales. Je suis fier d’être au Togo. Pour l’Afrique, je souhaite voir une équipe africaine en finale de la Coupe du monde. Faisons du sérieux pour aller plus loin d’ici 2026.
