Finaliste de la Coupe d’Afrique des Nations CAN 2023 en Côte d’Ivoire, le Nigeria se retrouve dans une crise seulement quatre mois après la finale perdue contre les Éléphants (1-2) au Stade Alassane Ouattara d’Ébimpé. La chute libre a pris une vitesse exponentielle ce mois avec des causes qui sont évidentes.
José Peseiro, une séparation incompréhensible
Nommé le 15 mai 2022, José Peseiro arrivait à la tête d’une équipe des Super Eagles, entraînée par Augustine Eguavoen et qui sortait d’une élimination en huitièmes de finale de la CAN au Cameroun et une autre dans le cadre des qualifications de la Coupe du monde Qatar 2022. L’objectif principal qui lui était assigné était de se qualifier pour la CAN 2023 en Côte d’Ivoire. Ce qu’il va réussir avec brio en enregistrant 5 victoires en 6 matchs des éliminatoires (une défaite) pour terminer premier du Groupe A et décrocher le billet pour la Coupe d’Afrique des Nations. La confiance était de retour chez les Super Eagles et le rêve de décrocher la quatrième étoile a commencé par s’éveiller chez les supporters qui voyaient les joueurs flamber dans leurs différents clubs.
Toutefois, le doute s’est installé lors de la trêve internationale de novembre avec les deux contre-performances face au Lesotho (1-1) et le Zimbabwe (1-1) dans le cadre des 1ere et 2e journées des éliminatoires de la Coupe du monde 2026. Mais José Peseiro a su remobiliser sa troupe pour qu’elle garde la même motivation qui est la reconquête de la coupe en Côte d’Ivoire onze ans après la dernière (2013). Sauf que le Nigeria n’était pas encore sorti d’affaire et a dû composer avec les forfaits de Victor Boniface, son attaquant le plus en forme à l’époque mais aussi de Wilfred Ndidi, un des patrons de son entre-jeu. Néanmoins, cela n’a pas fait baisser l’ambition des Super Eagles qui, après leur entrée timide contre la Guinée Équatoriale (1-1) vont envoyer un signal fort aux autres favoris en battant le pays hôte (1-0) lors de la deuxième journée des phases de groupes. Sans être forcément l’équipe la plus joueuse, le Nigeria était la plus solide défensivement et efficace offensivement et a gagné le reste de ses matchs contre la Guinée Bissau (1-0), le Cameroun (2-0) en huitième de finale, l’Angola (1-0) en quarts de finale et en demi-finale l’Afrique du Sud (1-1 puis 4-2 aux t.ab) pour se hisser en finale.
Là aussi, les Super Eagles n’étaient pas là pour se cacher et ont joué les premiers rôles avec l’ouverture du score dès la 38e minute de jeu de leur capitaine Willian Troost-Ekong qui a calmé les clameurs d’Ébimpé. Mais comme face à tous ses adversaires depuis sa « résurrection », le Nigeria n’a pas échappé à la remontada de la Côte d’Ivoire qui, portée par un Simon Adingra double passeur, va d’abord égaliser à la 62e grâce à une tête de Franck Kessié seul au deuxième poteau puis décrocher sa troisième étoile sur le bu victorieux de Sébastien Haller (88e). Une défaite cruelle en finale, mais tous les Nigérians étaient unanimes sur le travail magnifique de José Peseiro qui a réalisé la meilleure performance sur le banc des Super Eagles depuis 2019 et la 4e place en Égypte, et s’attendait à voir son contrat qui s’étendait jusqu’à la fin de cette CAN, être renouvelée. À la surprise générale, la Fédération Nigériane de Football (NFF) a décidé de laisser partir le Portugais pour installer un entraîneur local.
Du népotisme
Personne au Nigeria n’a trouvé de raison sportive valable pour justifier le départ de José Peseiro si ce n’est la NFF, une fédération minée par la guerre des égos depuis Amaju Pinnick son ancien président et l’arrivée d’Ibrahima Musa Gusau, déjà dans le Comité exécutif de Pinnick qui a repris le flambeau du népotisme à la tête du football nigérian. Avec la nomination d’un sélectionneur local, les dirigeants de la NFF ont eu la mainmise totale qu’ils ont toujours voulu sur les choix des joueurs en sélection. Le fameux « quota de joueurs locaux en équipe nationale » instauré juste après la nomination de Finidi George était la parfaite illustration du foot business entre les présidents de clubs nigérians et les responsables de la NFF. Conséquence, le Nigeria s’est créé une crise alors qu’elle avait tout pour continuer à être parmi les meilleures nations du continent après la CAN.
Augustine Eguavoen, devenu Directeur Technique National (DTN) après la CAN 2021 va d’abord faire son retour sur le banc des Super Eagles pour assurer l’intérim au mois de mars suite au départ de José Peseiro. Pour son premier match amical, le Nigeria va s’imposer (2-1) face au Ghana, un succès anecdotique face à une équipe éliminée en phase de groupes de la CAN et qui a lancé un nouveau cycle avec le retour d’Otto Addo en remplacement de Chris Hughton, mais il était suffisant pour conforter la NFF et sa clique de businessmen à proposer le manipulable Finidi George comme successeur de Peseiro même si la défaite (0-2) face au Mali lors du deuxième match amical de mars était déjà une alerte prévenant le danger à venir.
Fin avril, Finidi George qui était dans le staff de Peseiro durant la CAN, a été annoncé comme nouveau sélectionneur. Ce dernier n’est pas un mauvais entraîneur en soi puisqu’il a fait ses preuves avec Enyimba en gagnant le titre en D1 nigériane dès sa première saison complète (2022-2023) mais a été victime d’un système qui rogne le football nigérian depuis de nombreuses années. Au bout du compte, il n’aura dirigé que deux matchs avec un nul (1-1) à domicile contre l’Afrique du Sud et une défaite (1-2) à l’extérieur face à un Bénin qui n’était même pas chez lui, évoluant à Abidjan en raison du déclassement du Stade Général Mathieu Kerekou. La situation du Nigeria, 5e de son groupe avec seulement 3 points en 4 matchs, est devenue alarmante et la NFF a compris qu’il fallait urgemment mettre fin au grenouillage au sommet de l’équipe nationale au risque de rater une troisième Coupe du monde d’affilée après 2018 (Russie) et 2022 (Qatar). Ce qui serait un gros échec pour un pays comme le Nigeria. Même si le licenciement de Finidi George ne garantit pas une qualification pour le Mondial 2026 qui offrira 9 tickets à l’Afrique, il traduit la prise de conscience des dirigeants qui songeaient à le remplacer par Antonio Conceiçao, ancien sélectionneur des Lions Indomptables du Cameroun. D’ici septembre et le début des éliminatoires de la CAN 2025, on devrait connaître l’identité du nouveau sélectionneur des Super Eagles. En espérant que cet exemple serve de leçon aux autres Fédérations de l’Afrique de l’Ouest où on a tendance à être plus dur avec les sélectionneurs qui font du résultat et bâtissent une équipe compétitive contrairement à ceux qui servent les intérêts personnels des dirigeants.